Auteur: Mahi Binebine
Pierre a une petite amie blonde, Sonia, et tous deux rêvent de partir vers le Sud, loin de leur vie réduite aux dimensions d’une chambre de bonne et des allers-retours en transports en commun entre Guebwiller et Mulhouse. Ils aboutissent au coeur du Rif dans un bourg coincé entre les montagnes, au milieu des champs de chanvre indien. Ils fréquentent d’abord le café Atlas et ses clients pittoresques : Driss le facteur, qui fait sa tournée à dos de mulet et joue aussi l’écrivain public ; le fossoyeur, si endetté qu’il en vient à laisser son dentier engage au bistrotier ; une haute personnalité disgraciée, «M. le Ministre», écarté jadis de la Cour à la faveur d’un complot ourdi par les militaires, et qui recommande à Pierre de fuir la région avec Sonia avant la «haute-saison». Pourquoi ? Parce qu’à ce moment de l’année, les nuages de pollen du cannabis font comme une seconde voûte céleste, et même les moutons ont l’oeil hébété de paître les champs de chanvre. Mais le «grain de printemps», ce vent de folie douce tourn eboule les étourneaux , Sonia devient jalouse de Najal, une des pensionnaires de l’établissement, elle part retrouver le seigneur Moussa dans son palais cependant que Pierre, surpris dans les bras de la jeune putain consolatrice, est flanqué à la porte par la maquerelle en courroux. Pierre se fait éborgner par les sentinelles du palais en allant rôder à ses abords. Puis, pour demeurer fidèle à sa bien-aimée, il s’émascule lui-même à coups de pierre. Un jour qu’il retourne près de la prison dorée de Sonia, la limousine du seigneur Moussa s’arrête à sa hauteur ; le notable et l’amoureux éconduit concluent un marché : Pierre quittera le pays si on le laisse entrevoir une dernière fois l’objet de son amour. L’entrevue a lieu. Ils ne peuvent s’empêcher de s’élancer dans les bras l’un de l’autre. Pierre est sodomisé sur place par les gardes et Sonia jetée dans un cul de basse fosse. Dans un regain de délire, toujours sous l’effet du «grain de printemps», Pierre larde de coups de poignard le mulet du facteur qu’il a pri s , halluciné, pour le seigneur Moussa. Conduit dans un hôpital psychiatrique, il poursuit son rêve en se prenant d’affection pour Leïla, son infirmière, qu’il persiste à prendre pour Sonia...