Auteur: Mohamed-Cherif Ferjani
Dans la plupart des pays musulmans, l'islam est proclamé religion d'Etat et source principale ou exclusive de toute législation. Depuis les années 1970, l'impasse des modernisations autoritaires et des politiques de développement qu'elles ont inspirées a fait le lit de mouvements qui revendiquent le " retour à l'islam " et rejettent les modèles qualifiés d'occidentaux. Dès lors, l'approche des réalités islamiques s'est trouvée piégée par une opposition manichéenne entre un islam éternel qui serait par essence réfractaire à la séparation entre le politique et le religieux, à la démocratie et aux droits de l'homme, et un Occident tout aussi éternel et dont l'essence aurait été à l'origine de la modernité. S'inscrivant contre cette vision essentialiste commune aux partisans de l'islam politique et à une certaine islamophobie " savante ", ce livre fait le point sur la genèse et l'évolution des doctrines et des conceptions politiques qui se réclament de l'islam, en restituant les catégories qu'elles mobilisent (Califat, sharî'a, ûmma, etc.) dans les contextes culturels et historiques de leurs usages. L'approche historique et comparative adoptée ici conduit à la relativisation des schémas au nom desquels l'islam se trouve opposé à la " modernité occidentale " ; elle permet de saisir les enjeux sociaux et politiques des débats actuels autour de questions comme la laïcité, le statut des femmes, la liberté de conscience, l'évolution du droit et des institutions, etc.