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Tradition de Boujloud : Les habits ancestraux à travers les régions du Maroc

Boujloud, une tradition marocaine de longue date, implique de s'habiller de peaux d'animaux et de défiler lors des célébrations entre l'Aïd al-Adha et le Nouvel An hégirien. Autrefois, cette coutume variait selon les régions, avec une nature plus sarcastique et intrépide.

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Boujloud, une ancienne tradition marocaine, implique de se déguiser en peaux de chèvre pendant la période entre l'Aïd al-Adha et le Nouvel An hégirien. Depuis des siècles, les Marocains portent ces costumes pour incarner Boujloud. Les récits des ethnographes français du début du 19e siècle ont permis de documenter cette pratique à travers tout le pays : des montagnes du Rif du nord, aux montagnes au sud de l'Atlas. Bilmawen (le nom amazigh de Boujloud) a été une partie significative des festivités suivant l'Aïd al-Adha.

Dans les grandes villes impériales comme Fès et Marrakech, Boujloud figurait parmi les manifestations de divertissement à la cour royale, offrant un spectacle théâtral qui caricaturait les ministres et les diplomates étrangers pendant les célébrations de Achoura. Dans les rues, Boujloud prenait diverses apparences.

L'effroyable visage de Boujloud

En dehors de la cour royale, les descriptions recueillies par l'anthropologue marocain Abdallah Hammoudi dressent un portrait plus intrépide, effrayant et spirituel de Boujloud. Ce personnage est souvent décrit comme portant directement sur son corps nu, les peaux de mouton ou de chèvre du sacrifice de l'Aïd, avec les bras disposés de manière à ce que les sabots pendent de ses mains.

Son visage est poudré de noir et dissimulé par un ancien baratte en peau de chèvre utilisé comme masque. Des cornes de vache ou de mouton ornent sa tête, accompagnées de mâchoires maintenues ouvertes par un petit bâton pour accentuer une expression terrifiante. À Tanger, Boujloud ajoute des plumes à une orange plantée sur chaque corne, tandis que de la verdure enveloppe ses épaules. Certains portent même des colliers fabriqués avec des perles de coquilles d'escargot.

Les ethnographes suggèrent que Boujloud est attendu avec impatience dans les villages. Hammoudi le décrit comme «escorté par un orchestre de hautbois et de tambours, suivi d'une procession bruyante d'enfants qui lui lancent des insultes et des pierres». L'homme vêtu de peaux devient une figure incontrôlable, redoutée par les femmes et les enfants, mais aussi sans scrupules. Il «se déplace de tente en tente ou de maison en maison, parfois s'arrêtant pour esquisser quelques pas de danse et parodier de manière grotesque les prières musulmanes».

Boujloud visite le Pacha, le Caïd, l'Amghar, ainsi que les marabouts et les moqadams des zaouias. Hammoudi souligne qu'ils «l'accueillent avec divers degrés de générosité mais toujours avec joie». Après avoir collecté ses offrandes, il poursuit les enfants, les frappant avec de longs bâtons ou des coups de balai.

Figure de vénération ou agresseur sexuel ? 

Parfois, Boujloud porte des sabots et des pierres attachés à ses manches pendantes. Certains récits le dépeignent comme quelqu'un qui frappe ou touche les gens, tandis que d'autres le présentent comme un guérisseur respecté et une figure de vénération. Hammoudi cite une source déclarant que «si les gens fuient devant lui, c'est seulement parce qu'ils craignent ses coups ; il a en effet été attesté que les malades qu'il touche sont guéris et qu'il empêche les personnes en bonne santé de tomber malades».

Dans certaines régions du Maroc, en particulier auprès de la tribu des Ait Ndhir du Moyen Atlas, Boujloud (ou bou-islikhen) revêt une connotation sexuelle particulière. Hammoudi rapporte une scène spectaculaire où Boujloud envahit le village, renversant casseroles et poêles et se précipitant dans les foyers. Ses mouvements brusques créent un nuage de poussière dans lequel il finit par se rouler. Ses interactions avec les femmes sont ouvertement sexuelles,«les bousculant et les maltraitant, parfois même en les frappant». 

L'évolution de Boujloud

Dans certains de ces récits datés de la fin du 19e siècle, mentionnent que Bilmawen a une femme ou une fiancée, Taslit u boujloud, qui participe à la performance. Jouée par un homme déguisé en femme, «elle» porte une handira, un plaid berbère. Lorsqu'elle se joint au défilé, elle suscite des réactions intenses de la foule. Hammoudi décrit comment «la mariée se précipite sur les spectateurs. Elle frappe brutalement chaque personne qui l'approche, ne les relâchant pas tant que des proches n'interviennent pas et que des tolbas (étudiants du Coran) ne viennent pas se prosterner devant elle, signalant ainsi au mari qu'il doit lui céder sa place».

Certaines représentations de Boujloud incluaient même des personnages comme un Juif, sa femme, et d'autres représentations satiriques. Selon l'orientaliste français Emilie Laoust, une tribu voisine des Ait Mizaine mettait en scène des personnages comme «le Juif, le forgeron, ainsi qu'un autre qui actionne le soufflet du forgeron».

Alors que les mascarades de Boujloud se tenaient autrefois dans la quasi-totalité des régions du Maroc, la pratique est désormais principalement observée à Agadir et ses environs. Aujourd'hui, la tradition reste populaire chez les jeunes hommes, les adolescents et même chez les filles qui se déguisent en Bilmawen, tout en adaptant ces costumes anciens à une esthétique moderne.

Tanger58
التاريخ : في 24 يونيو 2024 على 21h21
Boujloud est célébré aussi en Sardaigne.