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Maroc : Le requin-marteau désormais interdit à la pêche [Interview]

C’est depuis ce mois d’août que le requin-marteau, de son nom scientifique Sphyrnidae, est interdit à la pêche au Maroc pendant cinq ans à compter de 2017. Une décision émanant du ministère de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts et publiée le 3 août dans le bulletin officiel. Le professeur Mohammed Menioui, expert en biodiversité et espèces marines à l’Institut Scientifique de Rabat de l’Université Mohammed V commente cette interdiction.

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Un requin-marteau de la famille des Sphyrnidae. / Ph. DR
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En juin dernier, le ministère de l’Agriculture, de la pêche maritime, du développement rural et des eaux et forêts a décidé, après consultations auprès de l’Institut national de recherche halieutique et les Chambres de pêche maritime, d’interdire la pêche du requin-marteau ou Sphyrnidae. La décision, qui est entrée en vigueur la semaine dernière, exclut toutefois certaines espèces, à l’instar des requins-marteaux tiburo, des requins océaniques et des requins renards.

Pour le professeur universitaire Mohammed Menioui, expert en biodiversité et en espèces marines à l’Institut Scientifique de Rabat (Université Mohammed V), l’interdiction est à saluer même si elle devrait concerner d’autres espèces de requins.  

En tant que scientifique, que pensez-vous de cette décision prise par les autorités marocaines ?

Je pense que c’est une très bonne décision, dans la mesure où les requins en général sont une espèce menacée, que ce soit au Maroc ou ailleurs. Ce sont des espèces primordiales pour notre avenir, puisqu’on peut extraire de ces requins des substances importantes au lieu de les tuer. Il vaut mieux les exploiter et les valoriser autrement. Il y a par exemple le squalamine, une molécule utilisée dans l’industrie pharmaceutique et qui a les vertus de guérir plusieurs maladies. Donc l’initiative d’interdire la pêche des requins est très positive. Pourvue qu’elle couvre tous les requins.

Pensez-vous que les cinq ans d’interdiction pourront éventuellement changer la donne quant aux menaces d’extinction qui pèsent sur de nombreuses espèces de requins ?

C’est dommage parce que personnellement, j’aurai opté pour une interdiction totale de la pêche de tous les requins. Bien sûr il y a ceux qui sont moins menacés que d’autres. Il est connu que le requin-marteau est plus menacé et est la cible de plusieurs pêcheurs, de par sa taille.

J’espère que cette décision sera suivie par d’autres séries d’interdiction, parce que cinq ans, c’est intéressant pour permettre au stock de se reconstituer en partie. Mais il faudra certainement faire des études avant ces cinq ans pour voir si l’interdiction a de l’effet ou s’il faut prolonger cette suspension. Il faudrait aussi qu’on sache que ce n’est pas le produit de pêche numéro 1 au Maroc et que cela ne sert à rien de tuer ces requins ou de les pêcher si on ne les mange pas. D’autant plus qu’ils peuvent servir à d’autres choses. Rappelons encore une fois que ça ne fait pas partie des habitudes des Marocains de manger du requin.

Les espèces de requins sont-elles nombreuses dans les eaux marocaines ?

Les requins ont évolué pendant plusieurs millions d’années pour arriver à notre ère et je pense que c’est dommage de les pousser vers l’extinction et de les tuer en une cinquantaine d’années. C’est une espèce qui a un rôle écologique à jour dans les milieux marins comme toutes les autres espèces dans l’écosystème marin.

Il faut savoir que sur les côtes marocaines, toutes les espèces sont présentes, à part quelques exceptions. Pour les requins, on retrouve plusieurs familles sauf les Requin-baleine, la plus grande espèce de requins qu’on retrouve dans la mer rouge et d’autres zones mais pas au Maroc. Dans les eaux marocaines, on peut trouver des types comme le grand requin blanc (Carcharodon carcharias), le requin-citron (Negaprion acutidens) ou encore le requin pointe blanche. Les 3 500 kilomètres de côtes dont dispose le Maroc sont des zones extrêmement riches en espèces.

Mais certains, pour justifier sa pêche, affirment que c’est une espèce dangereuse…

Dangereux, c’est relatif. Si on se déplace chez quelqu’un, un humain et qu’on le menace puis qu’il réagit de façon violente, on ne peut pas dire qu’il est dangereux. C’est pareil pour les requins. Ils sont chez eux, et si on s’aventure dans l’eau et qu’on les dérange, c’est tout à fait logique qu’on subisse certaines réactions. Ce sont des animaux intelligents pour se défendre, mais si vous faites des statistiques par rapport aux accidents de la route ou aux crimes commis entre humains, les chiffres sont fulgurants. Cela n’a rien à voir avec les quelques attaques occasionnées par des requins dans le monde. Ce sont généralement que des attaques accidentelles. Il faut savoir que le requin quand il attaque l’homme, il l’attaque non pas parce que c’est un humain, mais parce qu’il vise la silhouette qui ressemble à un phoque ou à un autre animal faisant partie de sa proie. Dangereux est donc relatif et c’est une question d’appréciation de la proie.

Ils peuvent s’approcher mais pas sur les côtes marocaines. C’est extrêmement rare. Il faut aller beaucoup plus loin que le rivage pour pouvoir les trouver. C’est possible dans d’autres régions du monde où les conditions hydrologiques le permettent.

Un grand requin marteau. / Ph. DRUn grand requin marteau. / Ph. DR

Pensez-vous que le Maroc dispose d'un arsenal juridique suffisant pour protéger son environnement, notamment marin ?

Le Maroc a toujours été avant-gardiste en termes de lois pour la protection de son environnement et je pense que vous avez certainement vu ces dernières années le nombre de lois et de réglementation pour protéger la biodiversité marocaine. C’est sûr qu’il faudrait d’autres investigations pour évaluer le stock de chacune des espèces et statuer sur leur état et surtout sur la menace qui pèse sur elles. Il y a beaucoup de choses qui sont faites mais d’autres qui devront être faites pour, disons, avoir une meilleure législation. Mais il y a des efforts et il y a aussi une stratégie nationale pour la conservation de l’utilisation durable de la diversité biologique qui inclut les poissons et les mammifères marins.

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