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Dunkerque : 25 ans de prison pour le meurtrier du jeune marocain de 17 ans

La cour d'assises du Nord à Douai a condamné vendredi après-midi à 25 ans de réclusion criminelle, assortis d'une période de sûreté des deux-tiers, Joël Damman, un chauffeur routier de 50 ans reconnu coupable d'avoir tué un adolescent de 17 ans d'origine marocaine et de 16 tentatives d'assassinat le 4 octobre 2002 dans la banlieue de Dunkerque.

Outre l'assassinat de Mohamed Meghara, 17 ans, trois personnes avaient été blessées par des tirs de fusil de chasse. L'avocat général Philippe Olivier avait requis en début d'après-midi une peine de 30 ans de réclusion criminelle assortie d'une mesure de sûreté de 15 ans.

Le verdict, intervenu après deux heures de délibérations, a été accueilli dans le calme par la famille et les nombreux proches du jeune Mohamed. L'accusé est lui est resté impassible. En détention depuis le 7 octobre 2002, il devait regagner la prison de Loos.

Khadija Maghara, soeur de la victime, s'est déclarée "plutôt satisfaite de la décision, même si cela ne rendra pas mon frère. Je suis néanmoins contente que le crime raciste, au moins, ait été reconnu". Jean-Yves Royart, avocat de l'accusé, a estimé que "cette peine est très sévère vis-à-vis de la personnalité de cet homme. Je crains clairement pour lui-même, pour son intégrité". Joël Damman a déjà effectué dix tentatives de suicide, dont trois depuis son incarcération.

Dès l'ouverture du procès mercredi, Joël Damman a plaidé coupable. "Je reconnais les faits. A l'époque, j'étais raciste", a-t-il déclaré devant la cour. Trois jours de débats ont permis d'éclairer la personnalité de celui que l'avocat général a décrit comme "la caricature du Français raciste comme on ne l'oserait imaginer".

Le soir du drame, Joël Damman avait quitté son domicile au volant de son 4X4, armé de deux fusils et de deux boîtes de cartouches. En tenue de chasse, il s'était rendu dans deux quartiers de la banlieue dunkerquoise, connus pour abriter une forte population d'origine maghrébine, et avait tiré à quatre reprises sur plusieurs groupes de jeunes.

La victime, Mohamed Maghara, était en train de discuter sur le trottoir avec des amis. Il était étudiant en terminale BEP comptabilité et n'avait jamais fait parler de lui.

Fils d'une fratrie de dix enfants, violenté par son père, l'accusé dit avoir vécu une enfance "malheureuse". Chauffeur-routier la semaine, ne s'autorisant jamais de vacances, Joël Damman passait ses week-ends à effectuer des travaux dans le centre équestre géré par sa femme.

Cette dernière, divorcée depuis octobre 2003, est venu le décrire à la barre comme un homme "violent", "alcoolique", "suicidaire" et "impulsif". "Quand il piquait une crise, il prenait son fusil et allait tirer un lièvre", a-t-elle raconté. "Ou alors, il allait coucher dans la paille".

Les anecdotes ne manquent pas pour décrire un homme à la dérive: "Fréquemment", a-t-elle encore raconté, "il coulait du béton à deux ou trois heures du matin, complètement ivre", pour construire par exemple un muret. "Le lendemain matin, il détruisait tout", parce que c'"était de travers".

Au cours de l'instruction, et durant le procès, Joël Damman n'a jamais fourni d'explications claires sur l'origine de son racisme. Selon lui, c'est le fait d'avoir entendu dans les médias, l'après-midi précédant le drame, que des islamistes avaient exigé une suspension d'audience pendant leur procès, à Paris, pour faire leur prière, qui l'aurait mis hors de lui.

A cela s'est ajouté la confidence d'une amie de son fils, qui lui aurait expliqué avoir été "embêtée par des maghrébins", à la sortie de son lycée. Son ex-femme a expliqué l'avoir vu le soir, ivre de rage, mais aussi d'alcool, frappant sur la table de la cuisine en hurlant: "Je vais faire peur aux Arabes".

Plusieurs fois au cours du procès, l'accusé a répété qu'il n'avait "jamais voulu faire de mal". "En rentrant chez moi, ce soir-là, j'était certain de n'avoir blessé personne", a-t-il déclaré. Le lendemain, un voisin l'a vu labourer tranquillement son champ. C'est le témoignage d'une de ses proches, qui l'avait vu partir avec ses deux fusils, après avoir masqué ses plaques d'immatriculation, qui a conduit à son interpellation.

L'avocat de Joël Damman, Jean-Yves Royart, a insisté au cours de sa plaidoirie sur les rapports d'experts psychiatres ayant présenté son client comme une personnalité "borderline (limite, NDLR) , qui n'avait la totalité de son jugement au moment des faits". Le racisme, selon l'avocat, est "une idéologie bête et lâche qui prend d'autant plus facilement qu'elle tombe sur une personnalité brisée par des chocs successifs".

La famille de Mohamed Maghara a fait elle preuve d'une constante dignité tout au long de ce procès. "Nous attendons de la Justice une décision ferme, exemplaire et punitive", avait déclaré Khadija Meghara.

Source : Associated Press

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