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Religion : Un « non » massif des Suisses à de nouveaux minarets

Le vote sur l'initiative de la droite populiste suisse d'interdire les minarets du dimanche 29 novembre a eu un succès non escompté. A la surprise générale, les électeurs se sont prononcés à une majorité écrasante de 57,5% pour l'interdiction des – nouveaux – minarets, faisant mentir ainsi les prévisions des sondages.

« La construction de minarets est désormais interdite en Suisse », a annoncé le gouvernement helvétique dans un communiqué officiel, cité par l’AFP. La Suisse compte plusieurs dizaines de mosquées mais seulement quatre d’entre elles, dont celles de Genève et de Zurich, sont dotées de minarets. Ces « quatre minarets existants ne sont pas concernés », ont ajouté les autorités. Sur les 26 cantons que comptent ce petit pays, seuls quatre (Bâle-ville, Genève à 59,67%, Vaud et Neuchâtel) ont rejeté la proposition appuyée par les partis de droite, l’Union démocratique du centre (UDC) et les chrétiens conservateurs de l’Union démocratique fédérale (UDF).

Ce referendum a suscité de nombreuses réactions non seulement dans la Confédération mais aussi dans le monde entier. Pour le vice-président national de l’UDC Yvan Perrin, cité par La Tribune de Genève, « les gens n’ont pas dit non à l’islam, mais oui à d’autres valeurs. Mais les accommodements raisonnables, c’est fini. ». Les mouvements d’extrême droite en Italie, le Front national en France, les formations du Parti autrichien de la liberté (FPO) et l’Alliance pour l'avenir de l'Autriche (BZO) se sont réjouis du vote.

A l’opposé, pour l’intellectuel musulman Tariq Ramadan vivant à Genève, le résultat du referendum a été « catastrophique ». Selon lui, « les Suisses ont exprimé une vraie peur, un questionnement profond sur la question de l'islam en Suisse ». Babacar Ba, l’ambassadeur de l'Organisation de la conférence islamique (OCI) à Genève, a confié à Swissinfo.ch son inquiétude quand à l’escalade de l’islamophobie. « Il s'agit d'une mauvaise réponse apportée à une mauvaise question. Je crains que ce genre d'acte ne soit qu'une prime à l'extrémisme et à l'intolérance. Je crois qu'il faut faire preuve d'une grande vigilance face à la montée de l'islamophobie. Ce vote constitue une porte ouverte au processus dangereux de remise en cause des libertés fondamentales.».

La peur et le rejet sont aussi partagés par les organisations religieuses. « Le plus dommageable pour nous n'est pas l'interdiction sur les minarets mais le symbole exprimé à travers ce vote. Les musulmans ne se sentent pas acceptés comme une communauté religieuse », a dit Farhad Afshar, président de la Coordination des organisations islamiques en Suisse (COIS).

Même le Conseil des droits de l'homme des Nations unies, siégeant à Genève, a fait part à l’AFP, de sa préoccupation. Amnesty international a dénoncé « une violation de la liberté religieuse, incompatible avec les conventions signées par la Suisse ».

Ailleurs dans le monde, les diverses réactions sont unanimes sur le caractère négatif du scrutin. Le ministre français des Affaires étrangères sur RTL, s’est dit « scandalisé par cette décision, négative pour ce qui concerne les inquiétudes même des Suisses parce que si on ne peut pas construire de minarets cela veut dire qu'on opprime une religion ». Toujours en France, le recteur de la Grande Mosquée de Lyon a également pris position dans un communiqué selon l’AFP. Pour Kamel Kebtane, « il s'agit d'un vote d'intolérance, tournant le dos aux bases juridiques les plus constantes qui, à travers le monde, garantissent la liberté de religion ».
Le grand mufti d'Egypte, Ali Gomaa, cité par l’agence de presse égyptienne MENA, a déclaré que « ce résultat du référendum (...) n'est pas une simple atteinte à la liberté religieuse, c'est aussi une insulte aux sentiments de la communauté musulmane en Suisse comme ailleurs ». Il a ensuite appelé les musulmans suisses au « dialogue » et à l’utilisation de moyens légaux pour contester le résultat du vote du dimanche. Plus loin en Indonésie, le plus grand pays musulman au monde, la principale organisation musulmane du pays a évoqué d’après l’AFP, un signe de « haine » et d’« intolérance » vis-à-vis de l'islam, tout en appelant les fidèles d'Indonésie, à « ne pas réagir avec excès ».

D’après les dernières statistiques des autorités, la Suisse compte environ 400 000 musulmans, dont 50 000 pratiquants, sur une population totale de 7,5 millions d'habitants.

Ibrahima Koné
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