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Découverte de cadavres dans une fosse commune à Nador

Les restes d'au moins douze corps ont été déterrés, mardi 29 avril, dans une caserne militaire à Nador. Une enquête est ouverte, mais tout porte à croire qu'il s'agit de victimes des émeutes de 1984.

Lundi après midi, a la caserne d'infanterie de Tawima, 2 km au sud de Nador. Des ouvriers effectuant des travaux creusent un fossé quand, soudain, ils découvrent des ossements humains et en entrevoient d'autres, à quelques mètres de profondeur. Panique générale. Le gouverneur de la ville est rapidement alerté. Il décide l'arrêt immédiat des travaux et avertit à son tour le procureur du roi. L'affaire est, semble-t-il, délicate. A son tour, le procureur ordonne l'ouverture d'une enquête et fait venir les sapeurs-pompiers, ainsi qu'un médecin légiste, mais aussi une délégation du CCDH et une autre, représentant le département des Affaires islamiques. Dans la soirée de lundi, une réunion sécuritaire de haut niveau se prolonge jusqu'au-delà de minuit. L'événement est de taille. «Tous les indicateurs démontrent qu 'il s'agit bien de restes humains appartenant aux victimes tombées lors des affrontements entre les forces de sécurité et des étudiants le 19 janvier 1984, lors de ce qu'on appelle les émeutes du Rif », dit cette source locale. Une probabilité confirmée par le CCDH dont le président, Ahmed Herzenni, a dû interrompre un déplacement à Azilal pour se rendre, en urgence, à Nador. Contacté par Le Soir échos, ce dernier s'est refusé à tout commentaire, «en attendant des éléments plus précis».

Et c'est pour en savoir plus, et toujours en présence des acteurs précités, que les exhumations ont repris hier mardi. A l'heure où nous mettions sous presse, et alors que les creusements se poursuivaient, les restes de douze corps avaient été déterrés. Sur instruction du parquet général, ils ont été évacués sur la morgue de l'hôpital Al-Hassani pour autopsie. Fait marquant sur ce registre, un des corps conserverait toujours sa carte d'identité sur lui, ce qui faciliterait l'opération de reconnaissance des dépouilles. C'est du moins ce que nous apprend ce militant rifain. Les représentants de la commission chargée de ce dossier au sein du CCDH est également déjà sur place. Celle-ci a pour mission, notamment, de faire les recoupements nécessaires entre les restes humains trouvés et les dossiers qui étaient parvenus à l'Instance équité et réconciliation quant à des événements qui, d'après les associations locales, ont entraîné plus de 80 morts. Les autorités avaient, elles, affirmé que le nombre des morts ne dépassait pas 16 victimes. «Le recours aux fosses communes était le moyen le plus efficace pour effacer toute trace de ce genre d'exactions»^ explique notre militant rifain. Une pratique déjà confirmée pour les événements de Casablanca en 1981 ou de Fès en 1990. L'annonce de cette nouvelle découverte ne manquera d'ailleurs pas de relancer un débat qui ne s'est jamais vraiment tu sur l'établissement de la vérité sur les cas de disparitions pendant les années de plomb. Mars dernier, le tissu associatif de la région du Rif est monté au créneau pour dénoncer les limites de tout le travail accompli jusque-là en la matière. Dans un mémorandum présenté par huit associations (dont les antennes locales de l'AMDH et du Forum Vérité et Justice, ainsi que la très active association du Rif pour les droits lie l'homme) au même CCDH, la société civile avertit notamment que toutes les familles dont des membres avaient disparu n'ont pas pu déposer leurs dossiers auprès de l'IER. Le mémorandum dénonce également que l'instance se soit limitée aux seuls événements de 1984, sachant que la région a également fait l'objet d'une vaste répression militaire, déjà en 1958-1959. Autre limite, l'IER s'est contentée de reconnaître les atteintes, sans pour autant préciser les responsabilités. «Or, rien dans ses statuts ne dit que l'Instance doit taire les qualités des personnes responsables de ce genre de drames», lit-on dans le document. Du coup, tout fait dire aux acteurs associatifs locaux que la région n'a pas encore bénéficié de toute l'attention qu'elle méritait sur le registre des atteintes aux droits de l'homme. Avec la nouvelle découverte, ce sera, certainement, chose faite.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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