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Ahmed Nacer, mort à 95 ans pour "atteinte aux sacrantes"

Ahmed Nacer, 95 ans, a rendu l'âme en prison. Auparavant, le vieil homme avait été condamné pour «atteinte aux valeurs sacrées». Retour sur un scandale.

Ahmed Nacer, 95 ans, handicapé moteur usant d'un fauteuil roulant pour se déplacer, a rendu l'âme jeudi 14 février dans la matinée. Son dé­cès a été enregistré le jour même à la prison agricole de Aïn Ali Mou-men dans la banlieue de Settat. Le vieil homme a été condamné, après son arrestation en septembre der­nier, à trois ans de prison pour «atteinte aux valeurs sacrées et outrage à fonctionnaire lors de l'exercice de ses fonctions». Cerise sur le gâteau, le défunt a été condamné également à une amende de 1.000 DH. Après le verdict du tribunal de première instance de Youssoufia, Ahmed Na­cer a été transféré au dit pénitencier agricole malgré les protestations de sa famille et des milieux de défense des droits humains. «C'est un nou­veau scandale et qui met à découvert la réalité des libertés au Maroc. Le défunt, peut-être dans un accès de colère, a pro­féré quelques mots, mais cela rappelle la tristement célèbre phrase «Tout ce qui est susceptible de... » (Koullou ma min cha'nihi)», s'insurge Khadija Riadi, présidente de l'Association marocaine des droits humains (AMDH), dans une déclaration au «Soir échos». «Ce­la dévoile aussi, et de manière flagrante, les dysfonctionnements d'une justice qui se permet d'énoncer une si lourde peine contre un homme d'un tel âge et pour des accusations qui n 'ont aucune assise léga­le», conclut la présidente de l'AMDH qui annonce que le bureau central de l'ONG se réunira pour décider des démarches à prendre.

Selon cette association, rien qu'à Youssoufia, on compte plus de dix citoyens poursuivis en2007 pour les mêmes motifs. «Une épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de h 'im­porte quel citoyen et pour le moindre désaccord avec le moindre représentant d'autorité», commente un autre res­ponsable de l'AMDH. Grâce à di­vers témoignages, «Le Soir échos» a pu reconstituer l'histoire, non moins kafkaïenne, de l'arrestation de feu Ahmed Nacer. Voyageant à bord d'un autocar dans les parages de Youssoufia, une prise de bec l'opposera au conducteur. Dans le «feu de l'action», le vieil homme aurait proféré des insultes. Arrivés au ni­veau d'un point de contrôle de la Gendarmerie royale, le chauffeur s'en plaindra aux hommes en képi qui font l'«essentiel». Lors du procès, en octobre et septembre derniers, la justice n'y est pas allée de main morte malgré les explications de la famille et les efforts de la défense.

Car, à en croire les membres de la famille du défunt Nacer, ce dernier souffrait de troubles mentaux, était soigné pour cela et il lui arrivait même de s'en prendre aux siens, qui passaient l'éponge, eu égard à sa santé et à son âge. Pas la justice, ni l'administration pénitentiaire, qui autorise le transfert de l'homme dans une prison agricole.

Mohammed Boudarham
Source: Le Soir Echos

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