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Des musulmans de Melilla évoquent des difficultés d'intégration

"Je travaille comme une bête depuis 12 ans et mes droits sociaux sont bafoués, comment peut-on alors s'insérer entièrement à la communauté espagnole" de Melilla, lance Hafida, qui affirme avoir boycotté mardi la visite du roi Juan Carlos dans l'enclave espagnole.

"Je ne suis pas allée à sa rencontre car les Espagnols ne veulent pas régulariser mon séjour depuis douze ans. Je travaille au noir et je nourris trois enfants", raconte-t-elle les larmes aux yeux.

Le roi d'Espagne a effectué mardi une visite vivement critiquée par les autorités marocaines qui revendiquent cette ville de 70.000 habitants peuplée à part presque égale de musulmans et de chrétiens et située au nord du Maroc et sous domination espagnole depuis 1496.

Interrogés sur leur sentiment d'appartenance à l'Espagne ou au Maroc, beaucoup restent prudents: "Nous ne faisons pas de politique".

"Je suis Marocain de coeur, mais hélas ce n'est pas le patriotisme qui fait manger", explique sous le couvert de l'anonymat un musulman espagnol de Melilla, en référence au niveau de vie et aux prestations sociales supérieures de ce côté de la frontière.

Lopez, l'ami espagnol qui accompagne Hafida, trouve "injuste la situation de cette femme". "Ils (les Espagnols) accusent une partie de la communauté musulmane de manquer de volonté pour l'insertion alors que la réalité est autre," dit-il, ajoutant que "pour recevoir des soins médicaux, elle et ses enfants doivent aller à Nador", ville marocaine proche de Melilla.

"Même les résidents musulmans originaires du Maroc et établis régulièrement à Melilla affrontent des problèmes sociaux similaires", assure-t-il.

Ahmed, garçon de café qui cherche depuis plusieurs années à obtenir la nationalité espagnole, évoque les "disparités salariales entre Espagnols et musulmans".

Moi, en plus de la nationalité marocaine, j'ai la nationalité espagnole, mais je ne le dis jamais car les Espagnols n'aiment pas ça", affirme Driss, un chauffeur de taxi.

Driss, qui habite un quartier arabe de Melilla admet toutefois que de nombreux musulmans "refusent à la fois de s'intégrer et d'aller vivre au Maroc".

"Ils font les cinq prières par jour et rentrent chez eux après le boulot sans rien qui puisse les réunir avec les Espagnols", explique-t-il en affirmant que "les conditions d'adaptation sont carrément inexistantes".

Le propriétaire musulman d'un café où des Espagnols étaient réunis autour d'un verre à l'ocasion de la visite du roi Juan Carlos, estime en revanche qu'"on peut s'intégrer si on le désire".

"Il y en a qui refusent de s'intégrer et avancent n'importe quoi pour expliquer leur isolement", dit-il sous le couvert de l'anonymat.


"Je suis musulman, je fais mes prières, mais rien ne m'empêche de partager les conditions de vie des Espagnols", dit-t-il en servant de la bière aux clients.

Mériem, 30 ans, femme d'origine marocaine habillée à l'occidentale, estime qu'elle n'a strictement aucun problème d'insertion. "Regardez, je prends un café aux côtés des chrétiens", dit-elle le sourire aux lèvres.

"La non insertion des musulmans marocains de Melilla est due à la politique suivie par le gouvernement local dirigé par le Parti populaire espagnol" (PP, droite), déclare à l'AFP Rachid Hussein, dirigeant d'une ONG basée à Nador, la ville marocaine voisine de Melilla.

"Je connais parfaitement leurs difficultés face à la politique du gouvernement local basée sur la discrimination". Cette politique, "n'offre pas aux musulmans marocains l'égalité des chances et leurs droits s'en trouvent bafoués en matière de santé, d'enseignement, d'emploi et de logement", ajoute-t-il.

Source: AFP

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