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Corruption: Le Maroc traîne encore des boulets

Encore un tableau sombre dressé par Transparency Maroc (TM) sur le phénomène de la corruption au Maroc. C’était lors d’une rencontre organisée par le Collectif démocratie & modernité (CDM) autour du thème: «La corruption entre constat et perspectives de réforme».

Aujourd’hui, selon Azzeddine Akesby, SG de TM, le constat est que le classement international du Maroc ne cesse de chuter. D’année en année, le Maroc perd des points. Sur un total de 163 pays, le Maroc est passé du 45e rang mondial en 1999 au 79e en 2006. L’an dernier, le pays a obtenu la note de 3,2 points sur 10, ce qui est bien en deçà des 4,1 points de 1999, selon l’Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International . Celui-ci est le résultat d’une enquête qui reflète les perceptions d’hommes d’affaires, de diplomates et autres analystes résidents ou non dans les pays étudiés. La note IPC s’étend de 10 (probité élevée) à 0 (pays très corrompu).

Depuis 2002, la situation ne cesse d’empirer au Maroc. Selon les résultats du baromètre général de corruption: sur 12 mois, 60% des chefs de ménage reconnaissent avoir été en situation de corrompre en contrepartie de services publics rendus. Pour Zahra Cheggaf, du Mouvement populaire (MP) «6 Marocains sur 10 reconnaissent recourir à la corruption au quotidien». Et d’ajouter, quelque 2.000 fonctionnaires ont été jugés pour corruption en 2001.

Face à cette situation, s’est développée une tendance de banalisation du fléau, voire sa généralisation dans des secteurs sensibles liés notamment aux services publics. Transparency Maroc cite, à titre d’exemple, «la santé, la police, la justice, les impôts, les services administratifs et communaux, les marchés publics…». Selon un sondage récent: 31 à 50% des Marocains considèrent que leur vie et celle des leurs pâtissent au quotidien de la recrudescence de la corruption.

De l’avis de Mustapha Meftah du Parti socialiste unifié (PSU), «la corruption est considérée comme une fatalité qui fait avancer les affaires. Elle fait partie d’un système basé sur l’économie de rente et une politique de privilèges». Du coup, il y a une interpénétration entre les postes de décision et les intérêts personnels. La protection des témoins reste aussi l’un des problèmes majeurs qui entravent la lutte contre la corruption, souligne Meftah. C’est dire que le Maroc doit enclencher une réflexion, lancer un débat de société à travers une stratégie globale qui implique, via des concertations, les médias, la société civile, les pouvoirs publics, les écoles, les partis politiques…

Pour sa part, Mohamed El Bekkali de l’USFP appelle à la création d’un collectif indépendant de superviseurs au-dessus de tout soupçon. Ce qui permettra, estime-t-il, à coup sûr de suivre et contrôler les institutions du pays. En attendant, le niveau actuel de la corruption «témoigne de la faiblesse des institutions», indique le représentant de l’USFP. Selon ce dernier, cet échec institutionnel est la résultante de plusieurs facteurs dont les réseaux du pouvoir, les appareils de l’Etat, les règles du jeu... Pour Bekkali, le phénomène de la corruption est d’abord une pratique culturelle qui évolue en l’absence d’un environnement de contrôle et de sanctions. Il est aussi dû au poids de l’Etat central, à la faiblesse des mécanismes de contrôle, voire une connivence des pouvoirs publics. D’ailleurs, d’après le baromètre de Transparency, 15% des sondés considèrent que les pouvoirs publics encouragent un environnement de corruption.

Les partis politiques, eux, sont logés à la même enseigne. Ils représentent un niveau élevé de corruption, soit 3,5 points. Dans une année électorale, l’achat des voix et le recours à l’argent inquiètent. La polémique du renouvellement du tiers de la Chambre des conseillers est encore dans les esprits. Les élections en général et les législatives en particulier impliquent plus de maturité et un pacte moral auprès des formations politiques.

Pour garantir des élections transparentes, le rôle ferme de l’Etat reste déterminant, précisent les intervenants. De leur part, les partis se doivent de répertorier et vérifier les biens des militants à l’entrée comme à la sortie de l’exercice politique, estime Mustapha Meftah du PSU. De l’avis de plusieurs observateurs, la situation est devenue préoccupante ces derniers temps. Elle s’explique en partie par la faiblesse des institutions et des mécanismes de contrôle et d’exécution, la lenteur des procédures, l’absence de critères objectifs lors de la prise des décisions ainsi que l’ineffectivité et le contournement des lois, sans oublier l’absence d’une justice indépendante, résument des représentants de partis politiques invités par le Collectif. Pourtant, le Maroc est signataire en 2003 de la Convention des Nations Unies de lutte contre la corruption. Le pays a accusé du retard dans la ratification de cette convention qui n’a eu lieu qu’en 2007, souligne Akesbi. Selon Latifa Bennani Smirès, députée du Parti de l’Istiqlal (PI), la moralisation de la vie publique butte sur de nombreux freins. Elle cite l’Instance centrale de lutte contre la corruption qui devra avoir plus d’indépendance et ne pas rester dans le giron du Premier ministre. De même, le Conseil supérieur de la magistrature, ajoute Bennani Smirès, ne doit pas être présidé par le ministre de la Justice. Les magistrats sont appelés à se spécialiser et subir des formations pointues en passant obligatoirement par le barreau.


Système de contrôle

Transparency Maroc recommande au gouvernement de ratifier «la Convention des Nations Unies et de mettre en place une agence de lutte contre la corruption bénéficiant de l’indépendance sur le plan des moyens humains, financiers et matériels». Transparency Maroc (TM) a formulé des recommandations pour plus de contrôle lors des prochaines élections législatives. Selon Akesbi, l’objectif est d’améliorer la transparence des législatives et de responsabiliser les partis et leurs candidats. Une opération qui a été menée en partenariat avec l’ONG Democracy Reporting International (DRI). Mais aussi mettre en place un système de veille et de contrôle centralisé de manière à ce que l’opération électorale se passe convenablement depuis l’inscription sur les listes à travers les différentes étapes (bureaux de vote, préfectures, département de l’Intérieur…) jusqu’à la proclamation finale des résultats des urnes.

Le renforcement du contrôle du financement des campagnes électorales figure aussi parmi les recommandations de Transparency. Une procédure qui exige la responsabilité et l’implication de tous: partis politiques et candidats eux-mêmes. En même temps, les partis sont appelés à mettre en place des procédures pour le suivi et la traçabilité des fonds, leur origine ainsi que leur destination.


Amin Rboub
Source: L'Economiste

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