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Les secrets du Piratage à Derb ghallef

Les pirates de Derb Ghallef ne sont pas de vrais hackers. Ce sont plus des «craqueurs» qui repêchent les codes des chaînes payantes sur Internet. Zoom sur les différentes méthodes du piratage audiovisuel.

Deux PC, quatre ordinateurs portables et une petite télévision branchée sur plusieurs décodeurs de marques différentes. Nous sommes chez Youssef, un pirate des chaînes satellitaires comme il en existe des dizaines à Derb Ghallef. Ce jeune de 28 ans passe le plus clair de son temps à chercher les astuces qui lui permettraient de décrypter les codes des chaînes satellitaires. Il passe ainsi ses journées à surfer sur Internet afin de trouver les logiciels et les programmes nécessaires au décryptage de ces chaînes. Une fois les programmes trouvés, Youssef les teste à l’aide d’une très longue liste qu’on appelle «Sat-Key» (clé) afin de voir si le tout concorde. Ces clés sont en fait générées par une sorte d’algorithme, c’est-à-dire un ensemble de règles opératoires dont l’application permet de résoudre un problème énoncé au moyen d’un nombre fini d’opérations. L’algorithme ressemblerait en fait à peu près à ceci :

XXXX-XXXX-XXXX-XXXX
XXXX-XXXX-XXXX-XXXX
XXXX-XXXX-XXXX-XXXX...

Chaque ligne est bien évidemment différente de l'autre. « Je donne un exemple : Je crée un logiciel qui va me trouver une liste de 14 chiffres différents. Ce logiciel va fonctionner avec un algorithme qui va générer simultanément des chiffres (14 par exemple), ensuite je vais tester cette liste générée par mon logiciel avec le produit visé qui est dans notre cas une carte numérique. Il ne restera après qu'à attendre pour avoir le résultat », explique un jeune hacker qui préfère garder l’anonymat.

Pirate, vous avez dit pirate ?!!
Ceci est un exemple de piratage parmi d’autres. À Derb Ghallef, les méthodes diffèrent d’un « craqueur » à l’autre. Il y a ceux qui se sont spécialisés dans le flashage des cartes. Leur astuce consiste à charger un logiciel pirate dans la mémoire des terminaux numériques dans le but de remplacer et/ou compléter le logiciel original. D’autres préfèrent fabriquer les cartes en question avec un encodeur numérique qui produira des sortes de clones de l’original. On peut également faire beaucoup de choses avec Internet. C’est une mine d’or inépuisable pour les «craqueurs». Ces derniers font en effet exploser les visites des sites qui proposent ouvertement des services de décryptages. La majorité des pirates de Derb Ghallef n’ont en fait rien de génie. Ils se contentent de repêcher les codes sur ces sites grâce à des logiciels de décryptage piratés aussi et vendus à Derb Ghallef même, au prix de 7 dirhams.

En fait, la piraterie audiovisuelle est organisée en un vaste réseau international sur le web. Les vrais hackers se chargent de trouver les failles, de programmer ces logiciels qui décryptent les codes des bouquets-satellites et de créer les algorithmes. Ils invitent ensuite les pirates de Derb Ghallef et autres (qui connaissent bien évidemment les adresses des sites) à télécharger ces précieux logiciels. Selon certaines sources, ces hackers seraient d’origine russe. Ce serait donc, de la Russie, que proviendraient les adresses des sites qui donnent accès aux fameuses « Sat-Key ». Bien entendu les sites en question sont tenus secrets. Pas moyen de les avoir. Un jeune white hacker, spécialiste des failles sur le web, a pourtant réussi à avoir une adresse : http://www.la-cafetera.com. Sur la page d’accueil du site, on trouve toute une liste de termes techniques que seuls les « craqueurs » et autres néo-pirates maîtrisent, tels que «Viaccess », « Files » et « Matrix ». Mais la liste la plus impressionnante est celle de des « Sat-Key », autrement dit la liste des clés avec laquelle les craqueurs arrivent à décrypter les codes des différentes chaînes satellitaires.

Chaînes piratées : trésor des cathodes
Selon un ex-pirate de Derb Ghallef, le premier craqueur à avoir trouvé la bonne clé d'un produit, Goldstar par exemple, la vend aux autres pirates. Et il pouvait se permettre de la vendre à un prix inimaginable qui pouvait certaines fois «dépasser les 5 chiffres». Mais de nos jours, le commerce du piratage audiovisuel ne rapporte pas autant que par le passé. Youssef confie qu’entre le flashage et la mise à jour du récepteur, il pouvait auparavant facilement atteindre les 3 500 dirhams par semaine. Il faisait une moyenne de 400 dirhams par jour.

Aujourd’hui, c’est à peine s’il arrive à faire 100 dirhams par jour, soit 700 dirhams par semaine. Les temps sont durs à Derb Ghallef. Et cela dure depuis déjà quelques mois. Plus précisément depuis que les télévisions numériques payantes ont renforcé leur système de contrôle. Certaines sociétés émettrices ont trouvé l’astuce qui rend les cartes piratées inopérantes. Prenons l’exemple des chaînes MULTIVISION. Celles-ci ont été cryptées avec un code dynamique qui change de paramètres réguli&ecrave;rement. C’est donc quasi-impossible pour les pirates de tomber sur le bon code. En fait, le système de cryptage utilisé par les décodeurs obéit à un même principe : une coupure puis une rotation sur une ligne. L’image est ainsi numérisée. Par la suite, un calculateur définit un point de coupure et délimite deux segments de ligne que l'on va inverser avant l'émission. Cette inversion va crypter l’image et la rendre illisible. Pour pouvoir regarder cette image il va falloir utiliser une clé de décryptage qui est placée dans la carte à puce fournie avec le décodeur.

Avec les nouveaux systèmes anti-piratage, le décryptage des codes devient de plus en plus difficile parce que celui-ci est changé à des intervalles trop courts. Parfois, il est programmé pour être changé toutes les secondes. Le réseau TPS essaie de faire la même chose depuis déjà quelque temps. En 2004, il est passé au «TPS Crypt», un virus informatique qui brouille les cartes piratées. Les « craqueurs» de Derb Ghallef avaient alors très vite brisé le code. Les Marocains, de leur côté, étaient ravis de retrouver le bouquet sur leur petit écran.

Depuis, ce va-et-vient des chaînes n’a pas cessé. L’opération cryptage/décryptage est en effet, assez fréquente ces derniers temps. D’ailleurs, il y a deux jours, le bouquet TPS a été de nouveau crypté. Aux dernières nouvelles, les « craqueurs » de Derb Ghallef n’ont toujours pas trouvé la clé de décryptage. « TPS n’a aucun intérêt à protéger au Maroc puisqu’il n’est pas représenté sur place. Je suis donc certain qu’on va bientôt trouver le code qui permet de retrouver les chaînes TPS », explique un « craqueur » de Derb Ghallef. «La campagne anti-piratage ne nous concerne pas. TPS va renforcer son système de cryptage sur le satellite Astra, mais il n’y a rien à craindre du côté de Hotbird», ajoute ce dernier. Malgré ces ruptures répétitives, les « craqueurs » restent confiants.

Ils sont quasiment sûrs que le cryptage ne durera pas longtemps et ceci pour deux raisons : premièrement cette campagne de lutte contre le piratage, initiée par TPS, est avant tout destinée pour la France et l’Europe. Secundo, des rumeurs circulent sur une éventuelle implication des responsables de TPS dans la divulgation du code de cryptage. Ceci semble incroyable et pourtant ce n’est pas si fou que ça en a l’air. Parce qu’en fin de compte, une telle entreprise favoriserait l’acquisition et en masse des récepteurs numériques. « Au lieu de garder le stock invendu des décodeurs, les sociétés préfèrent livrer les codes et gagner sur les ventes de ces derniers. C’est une démarche, certes, peu orthodoxe mais intelligente. Elle permet de faire bouger un peu les affaires », déclare un autre « craqueur » de Derb Ghallef.

Piratage audiovisuel, pas pour longtemps ?
Les « craqueurs » ne sont pas tous optimistes à Derb Ghallef. Ils ne partagent pas le même avis. Certains expliquent que les télévisons numériques payantes ont la possibilité et les moyens de mettre fin au piratage. « Tôt ou tard, les codes des télévisions à péage deviendront inviolables comme c’est le cas de MULTIVISION. C’est juste une question de temps », fait remarquer Hamid, étudiant en informatique et « craqueur » aussi. Actuellement, les systèmes anti-piratages sont de plus en plus performants. La technologie apporte régulièrement des solutions et des astuces presque impossibles à violer. Prenons l’exemple de VIP Control®. Ce système contre le piratage des programmes TV payants sur Internet ou par satellite, mis au point par la société Enygma Systems, est efficace. Il s’agit d’un système de décryptage qui fonctionne sur les réseaux de diffusion sans voie de retour. « C’est en fait un système qui contrôle l'accès des abonnés des différentes chaînes satellitaires, aux programmes diffusés. Sa particularité, c’est qu'il n'utilise à aucun moment de composant matériel pour la sécurité », ajoute Hamid.

Le VIP Control® vise donc le marché de la sécurisation des programmes télévisuels payants diffusés en numérique. Il est utilisé avec la VIP Smartcard®, une carte virtuelle qui permet de sécuriser les décodeurs de la Télévision numérique payante.
VIP Control® est commercialisé depuis une année déjà. Les télévisions payantes, à condition qu’elles le désirent, peuvent effectivement stopper définitivement l’économie du piratage. Il est donc clair que dès demain, toutes les télévisions numériques à péage peuvent prendre la ferme décision de tout arrêter, et le flashage, et la mise à jour du récepteur numérique et la recharge des cartes.
Les « craqueurs » et pirates de Derb Ghallef sont-ils en train de vivre leurs derniers jours de gloire ? Seul le temps nous le dira. En attendant, profitez-en (pirates et téléspectateurs) du moment que c’est encore possible !

Ghita Lamrani
Source : Aujourd'hui le Maroc

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