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Et si on voulait bien me laisser m’exprimer sur le Sahara

Si la société civile marocaine de Tanger à Lagouira, d’Oujda à Tichla pouvait par ma voix avoir son mot à dire…

Si l’on voulait bien enfin nous écouter…

Voilà presque trente ans que le vrai-faux problème du Sahara perdure.

Trente ans de déchirures et de drames,

Trente ans de gâchis tant matériels qu’en vies humaines.

Trente ans de retard pour commencer à construire cet espace maghrébin qui était pourtant déjà tellement attendu par la génération de nos parents et qui reste encore et toujours un espoir pour la génération de nos enfants.

Ce qui me pousse à écrire, aujourd’hui plus qu’hier encore, c’est mon devoir de citoyen marocain originaire du Sahara. Ce faisant, mon souhait profond est de ne pas encourager un processus négatif provoqué par une quelconque nouvelle escalade de propos et de positions non constructifs.

En tant que Sahraoui, je n’arrive pas à comprendre pourquoi ce problème demeure. Le monde a changé depuis la fin de la guerre froide. Je laisse à chacun tout loisir d’apprécier si ce changement a apporté un mieux ou non pour tous les peuples, mais force est de constater que le conflit sahraoui alimenté par la guerre froide, bien que devenu de faible intensité, ne s’est pas définitivement éteint. Certains voudraient le voir renaître en soufflant sur les braises éparses et en versant de l’huile sur un petit foyer de divergences inter-étatiques hérité d’un triste passé de division de nos peuples.

On parle ainsi d’un peuple sahraoui, alors qu’il s’agit de populations sahraouies, d’une société tribale dont l’histoire est là pour rappeler ses liens d’allégeance aux sultans du Maroc, alors unique Etat existant dans cette région du monde.

L’histoire est encore là pour rappeler l’engagement de ces tribus aux côtés des autres Marocains durant la guerre d’indépendance.

L’histoire est là aussi pour rappeler les liens existant entre ces tribus, lesquelles ont toujours tissé des liens d’alliance mais ont également connu les déchirures des conflits fratricides.

Elle est également là pour témoigner que de nombreux tombeaux d’ancêtres de nos tribus sont disséminés dans les différentes régions du Maroc, de part et d’autre des anciennes frontières coloniales.

L’histoire et la géographie sont là pour témoigner avant toute chose, tout à la fois au Maroc et en Algérie, qu’avant et au-delà de ce problème, nos deux pays partagent la même langue, la même religion, le même passé commun de lutte contre l’occupant. Nombreux sont les Algériens et Marocains qui ont tissé des liens familiaux et désirent de tout cœur à l’instar des autres citoyens que leurs pays coopèrent chaleureusement.

Le nombre de couples maroco-algériens dépasse largement le nombre de tous les habitants du Sahara réunis.

Que s’est-il passé durant ces trente dernières années, à l’issue du retrait espagnol de nos terres sahariennes ?

L’administration du Sahara par le Maroc et l’administration du Maroc par des Sahraouis n’est-elle pas une réalité qui s’impose et ce depuis trente ans et dont on ne parle jamais assez ?

Allez donc interroger les Sahraouis qui vivent dans ces régions, allez constater ce qui a été investi dans les infrastructures, les écoles, les hôpitaux, les instituts, les stades, les jardins publics ou bien encore dans l’eau et l’électricité.

Les Sahraouis se sont métamorphosés tout en retrouvant la possibilité d’exister dans le cadre de la souveraineté marocaine. Ils sont aujourd’hui cadres, ils sont présents dans les différentes administrations, responsables politiques, dirigeants d’entreprises, étudiants dans les plus prestigieuses universités et les grandes écoles du pays. On peut les rencontrer à l’étranger aussi, munis de leur passeport marocain.

Tenant compte de toutes les valeurs qui nous unissent, je crois, en tant que citoyen sahraoui, marocain et maghrébin qu’il est temps que nous puissions trouver une solution au problème.

Je suis convaincu que ce problème ne trouvera sa solution ni aux Etats-Unis, ni en France, encore moins en Afrique du Sud ou au Nigeria, mais dans un dialogue sans arrière-pensées entre Marocains et Algériens, animés de l’idéal de nos pères d’unité du Maghreb.

Une seule condition toutefois : il faut humaniser la situation et faire preuve de bonne volonté en libérant les prisonniers, en ouvrant les frontières et en permettant aux familles de se retrouver. Beaucoup de personnes âgées souhaitent pouvoir mourir dignement, quand l’heure sera venue, parmi les leurs. Beaucoup de leurs descendants fondent leur espoir dans la solution de ce vrai-faux problème afin de retrouver après de trop nombreuses années biens et familles.

Comment le citoyen sahraoui, marocain et maghrébin, que je suis, concerné par ce problème et intéressé par son dénouement, conçoit-il l’avenir proche de cette région ?

Les populations de cette région, mais aussi toutes les tribus du Sud du Maroc, ont les mêmes caractéristiques dialectales et culturelles, ce qui en fait une spécificité régionale.

Cependant les velléités tribales dominent le quotidien, le problème du leadership est omniprésent, non seulement dans les esprits, mais aussi dans les comportements et notamment au sein de la masse des habitants du Sahara.

La région est aride et les réserves en eau sont très limitées. Le problème de l’eau reste majeur malgré tous les efforts déployés depuis trente ans, ce qui d’ailleurs doit être systématiquement pris en compte dans les plans d’aménagement de ce territoire. L’agriculture, qui dépend naturellement de l’eau, se limite encore pour l’essentiel à l’élevage des camelins, ces mêmes camelins que l’on voit traverser le Maroc, du Sud au Nord, à la recherche de pâturages une à deux fois par an.

Pour toutes ces raisons socio-économiques mais aussi historiques, la seule solution viable à mon sens est de donner à cette région de larges prérogatives permettant à ses populations de renforcer la prise de leur destin en main tout en leur garantissant le soutien nécessaire. Ceci afin qu’elles puissent assumer pleinement leurs responsabilités non seulement dans le cadre de la souveraineté du Maroc unifié, mais aussi au sein d’un espace maghrébin enfin construit.

La volonté des peuples et des populations serait ainsi exaucée et l’énergie de tous serait focalisée sur les nombreuses tâches qui restent à accomplir. La logique de construction pourrait enfin triompher de celle de la destruction et des dangers de décadence du Maghreb. La démocratie, la prospérité, la complémentarité et la responsabilité doivent l’emporter.

Sommes-nous enfin capables de surmonter ce passif qui nous a divisés?

Nos dirigeants, après les ruptures diplomatiques, après les multiples accusations, après la guerre, auront-ils le courage et la volonté de nous écouter, d’établir les bases de la paix et de la construction ? Sont-ils prêts à ouvrir une nouvelle page de l’Histoire et à y laisser inscrire leurs noms parmi les Grands du 21ème siècle ?

Lahcen MAHRAOUI
Source : Libération Maroc

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