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Le Maghreb des politiques en attendant celui des peuples



Jusqu’où l’Union du Maghreb sans ses peuples peut-elle aller ? Certainement pas très loin au vu des atermoiements, des hésitations, voire des sautes d’humeur des dirigeants maghrébins.
Le roi Mohammed VI n’ira pas à Tripoli pour le sommet de l’UMA, laissant ainsi planer le doute sur l’issue de ce sommet qui, de toute manière, ne permettra en aucune manière de relancer l’Union maghrébine. Visiblement irrité par le président Bouteflika à propos de l’autodétermination du peuple sahraoui, il prend d’une certaine manière ses distances avec cette organisation qui, de toute façon, est dans le coma à cause justement de la question du Sahara-Occidental. Si on a parlé du dégel des relations entre les deux pays, les Algériens comme les Marocains ne savent toujours pas comment les deux chefs d’Etat se sont entendus pour que les contentieux ne se mettent pas en travers des bonnes relations à établir entre les deux pays (*).

Si le président Bouteflika a déjà fortement souligné, à un moment des plus critiques des tensions entre les deux pays, que la question du Sahara-Occidental n’est pas un casus belli entre l’Algérie et le Maroc, de même qu’aucun stratège sérieux ne parierait un dirham acheté au marché noir place Port Saïd sur un conflit armé entre les deux pays, il reste que ce qui vaut pour le Maroc vaut également pour le Turkménistan dans ce cas. Cela est rassurant pour l’avenir des jeunes générations, mais l’entame de l’édification maghrébine est encore loin d’être atteinte.

Par ailleurs, on peut légitimement se demander si la question du Sahara-Occidental, coincée au Conseil de sécurité, peut être réglée par l’UMA. Pour rappel, la création de l’UMA s’est faite en occultant complètement ce problème.

Quant à l’entremise des sociétés civiles des deux pays et même celles des trois autres qui pourraient apporter un coup de main, quelles possibilités d’action ont-elles pour faire justement que les contentieux politiques ne continuent pas d’empoisonner les relations entre les peuples ? Si on peut dire que des latitudes sont offertes dans la vie publique au Maroc et en Algérie, cela n’est aucunement le cas en Tunisie, en Libye et en Mauritanie. Mais dans des sociétés où la démocratie est sujette à des soubresauts, il n’est pas évident de voir ces mêmes sociétés prendre le relais sur des questions cruciales qui engagent les diplomaties des Etats. Les Marocains de l’est attendent avec impatience l’ouverture des frontières terrestres. C’est bien parce qu’ils sont liés à des Algériens et que de part et d’autre de la frontière, on a du mal à faire la différence entre sa propre vie et celle des Etats.

De la même manière que l’on aura du mal à faire la différence entre des Libyens, des Algériens et des Tunisiens sur nos frontières de l’est alors que la liberté de circulation est assurée de ce côté-ci.
Pourtant, ces différences qui s’estompent dans la vie quotidienne deviennent subitement des raisons de colère et de violence par on ne sait quelle espèce d’alchimie satanique. Souvenons-nous de ce qui s’est passé à Sfax en 2004. Les retentissements d’un banal match de football sont arrivés jusqu’aux frontières ouest et l’on a vu des Marocains qui n’avaient rien à voir avec ce qui se passait en Tunisie prendre fait et cause contre les Algériens. Comme si les raisons de mésentente n’étaient pas suffisantes pour en inventer d’autres. Mais n’y a-t-il finalement que des raisons de se détester cordialement entre Maghrébins ?

Au moment où la région était infestée de criquets, il fallait collaborer pour éradiquer le fléau et dans ce cas précis, Marocains et Algériens ont oublié les différends pour prendre en commun les mesures qui s’imposent, mais c’est un des rares éléments en faveur du rapprochement entre les peuples de cette région qui il y a moins d’un siècle étaient liés au point de constater aujourd’hui que les chansons chaâbies les plus populaires sont des textes de poètes marocains, mais il est vrai qu’à l’époque, en plus de tout ce qui nous lie, on avait aussi en commun de vivre sous le joug de la colonisation.


(*) On annonce une participation remarquée du Maroc à la Foire internationale d’Alger qui s’ouvre le 1er juin après la création d’une chambre de commerce algéro-marocaine et la participation tout aussi remarquée des Marocains à un Salon qui est passé, lui, inaperçu, celui de l’agroalimentaire des pays de l’OCI, tenu à Alger en mars. Faut-il en conclure qu’au plan économique, on oublie déjà les différends ?


Amine Esseghir
Source: La Nouvelle République (Algérie)

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