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IER: La Société civile critique le CCDH

Alors que le Conseil consultatif des droits de l'homme se félicite de l'évolution de la mise en œuvre des recommandations de l'IER, les principaux acteurs associatifs pointent du doigt tout ce qui reste à faire sur le volet politique.

Le Conseil consultatif des droits de l'homme (CCDH) est-il à la hauteur du chantier de mise en œuvre des recommandations de l'IER ? C'est désormais la question que d'aucuns dans les milieux des droits de l'Homme se posent. De l'avis des principaux militants et associations, la réponse est non. Ceci, à la lumière des décisions prises sur ce registre lors la 32e session du Conseil, qui a eu lieu samedi dernier à Rabat. Celle-ci a été consacrée à la présentation du rapport du Conseil sur les droits de l'homme au Maroc, mais aussi de son bilan, dont le volet portant sur la mise en œuvre des recommandations de l'Instance équité et réconciliation (1ER). Le mot d'ordre au sein du CCDH est le satisfecit. Par la voix du secrétaire général du conseil, le président Ahmed Herzenni affirme que le volet indemnisation émanant de l'IER a d'ores et déjà été bouclé, «à l'exception de quelques rares cas restés en suspens». Idem pour la prise en charge médicale des victimes. Pour le reste, à savoir les réparations collectives et les garanties de non répétition des violations passées, tout est à faire. Ce qui contredit de facto les engagements pris par Herzenni voulant que tous les dossiers en suspens soient réglés.. .déjà en 2008. En effet, et de l'aveu même des responsables du Conseil, le volet consacré aux réparations collectives est toujours au stade des consultations. Tout comme les actions portant sur la réhabilitation des régions ayant fait les frais des années de plomb.

La révision de la loi pénale, dans le sens de l'incrimination des violations graves des droits de l'Homme et la mise à niveau de la législation pénale marocaine, est toujours entre les mains des experts. Herzenni affirme cependant que leur travail sera achevé courant mars. Cela étant, rien n'a encore été dit sur les recommandations relatives à la gouvernance sécuritaire comme à l'adhésion au protocole facultatif de la convention internationale contre la torture. Le tout fait dire à nombre d'observateurs, dont maître Mohamed Sebbar, président du Forum Vérité et Justice, «qu 'entre les engagements pris auparavant et la réalité de l'évolution du dossier, il existe un écart considérable et entre-temps, il s'est passé trop de temps». Et le militant d'ajouter que la mise en œuvre des recommandations en suspens n'est pas du ressort du CCDH, mais du roi, du gouvernement et du Parlement.

«C'est aux appareils de l'Etat d'agir. A commencer par le roi, constitutionnellement habilité à adopter et ratifier les conventions internationales. Le gouvernement a aussi un rôle à jouer en posant sur la table les projets de loi à même de mettre le Maroc au diapason des législations internationales. Idem pour le Parlement et ses propositions de bis. Des commissions mixtes ont certes été créées entre le CCDH et certains départements ministériels, mais le constat est que tienne bouge encore. C'est à se demander s'il existe une volonté politique d'aller de l'avant», s'interroge l'avocat. Ce n'est pas le vice-président de l'AMDH (Association marocaine des droits humains) qui dira le contraire. Reprenant son bâton de pèlerin pour qualifier la remise des recommandations de l'IER entre les mains du CCDH d'«erreur», Abdelhamid Amine insiste en cela sur le caractère strictement consultatif du Conseil. «Si des progrès ont été enregistrés sur les volets de nature technique et pécuniaire, peu ou pas d'avancées sont à signaler sur les chantiers à caractère politique», dit le militant, citant particulièrement les aspects concernant le rétablissement de la vérité quant à certaines disparitions, comme celle de Mehdi Ben Barka, les excuses de l'Etat et les réformes constitutionnelles, notamment pour souligner la primauté des conventions internationales sur les législations locales. Recommandations que le CCDH n'évoque désormais que pour en justifier l'infaisabilité.

Présidente de l'OMDH (Organisation marocaine des droits de l'homme), Amina Bouayach parle d'un problème de méthodologie. «Le CCDH, tout comme le gouvernement, ouvrent certes des chantiers, mais on ne sait ni quand ni comment ceux-ci vont être lancés, encore moins leur calendrier de mise en œuvre. Si pour le protocole facultatif contre la torture, le débat est à peine ouvert, pour des aspects comme la réforme de la Justice ou l'adhésion du Maroc à la Cour pénale internationale, c'est le black-out total», dit-elle. Et de poser également la question sur la réforme de la Constitution. «Tout le monde en parle, mais nul ne peut dire d'où cette réforme doit émaner, du Parlement ou des partis politiques», insiste la présidente qui affirme que même sur des aspects liés à la réparation individuelle, des corrections restent à mener. C'est le cas notamment pour l'intégration sociale de nombre de victimes.

Tarik Qattab
Source: Le Soir Echos

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