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Le Grand Moyen-Orient se construira-t-il au Maroc ?

Le PJD est, à ce jour, le seul parti politique à avoir réagi officiellement à l’annonce de la tenue d’une conférence américaine au Maroc.

Le 9 mai 2002, le président américain annonçait incidemment, lors d’un discours à l’université de Caroline du Sud, son intention de lancer un programme de partenariat avec le Proche-Orient (Middle East Partnership Initiative). En filigrane, Bush souhaite la création d’une zone régionale de libre-échange, pour permettre des changements politiques radicaux. En clair, l’administration américaine voudrait imposer un nouveau modèle de gouvernance aux régimes arabes. Le programme de subventionnement aux pays arabes a été présenté aux contribuables yankee comme une nécessité de sécurité nationale : le développement économique du Proche-Orient mettrait fin au terrorisme et permettrait également la protection de l’Etat d’Israël. La réaction arabe ne s’est pas fait attendre. Emboîtant le pas à l’Arabie Saoudite et l’Egypte, les régimes arabes se mobilisent. Le prince héritier saoudien Abdellah fait la tournée des capitales de la région.

But de la manoeuvre : rejeter la proposition américaine. La dernière réunion de la Ligue arabe à Tunis devait, en principe, mettre fin à toute tentative de séduction américaine. Mais deux pays ont fait capoter la manœuvre. Contre toute attente, le Maroc et la Tunisie ont joué la carte américaine. En demandant d’inscrire à l’ordre du jour, la question des réformes démocratiques dans le monde arabe, les ministres des Affaires étrangères marocain et tunisien ont réussi à bloquer la démarche saoudienne. A la surprise générale, Colin Powell et Mohamed Benaïssa, réunis à New York le 24 septembre, annonçaient la tenue d’une conférence au Maroc sur la démocratisation du Proche-Orient. Intitulée « Forum de l’avenir », la conférence doit se tenir en décembre prochain sous l’égide des Etats-Unis. Elle appelle à des réformes politiques et sociales et se situe dans le cadre du plan américain du Grand Moyen-Orient présenté en juin dernier au somment du G8.


Deux poids, deux mesures ?

Dans son édition du 11 octobre, le quotidien « Washington Post » faisait état d’une conférence organisée à New York, regroupant plus d’une quarantaine de représentants de la société civile arabe, des hommes d’affaires musulmans, des officiels des gouvernements arabes et les représentants des pays du G8. Si tous les participants ont appelé à un changement radical des régimes arabes, considérés comme des régimes anti-démocratiques, l’option américaine du Grand Moyen-Orient n’a pas semblé faire l’unanimité. Cette conférence intervient après moult déclarations de responsables américains assurant que ces projets n’avaient pas pour but d’imposer des valeurs occidentales mais, au contraire, de soutenir les efforts de démocratisation des sociétés arabes. Après l’annonce de la tenue du « Forum de l’avenir » au Maroc, les islamistes du PJD ont officiellement réagi. Dans un communiqué signé par le secrétariat général du parti daté du 10 octobre dernier, « le PJD s’oppose à l’organisation dans notre pays de ce forum qui ne prévoit la participation ni de la Libye, ni de la Syrie, ni de l’Irak, alors qu’est prévue celle de l’entité sioniste », indique le communiqué. Les amis d’Othmani précisent que le « Forum de l’avenir » constitue un « plan américain visant à incorporer l’entité sioniste dans le tissu des peuples arabes et musulmans ». « On ne peut pas accepter la politique de deux poids, deux mesures. Les Américains favorisent le gouvernement israélien malgré les crimes commis contre les Palestiniens. On ne peut pas accepter la présence du Premier ministre israélien sur le sol marocain. D’ailleurs, l’idée d’un Grand Moyen-Orient de M. Bush n’est pas acceptable », précise Lahsen Daoudi, membre du secrétariat général du PJD.


Des choix catastrophiques

Même au sein de l’USFP, l’idée d’organiser une telle conférence au Maroc ne fait pas l’unanimité. Plusieurs députés ont fait entendre leur refus. « Les choix de M. Benaïssa sont catastrophiques pour la diplomatie marocaine. Il est suicidaire de miser uniquement sur les Américains. Nos alliés de toujours, l’Arabie Saoudite et l’Egypte, sont aujourd’hui en désaccord avec nous », regrette ce député socialiste. Et d’ajouter : « Benaïssa est le seul ministre qui refuse de se présenter devant le Parlement. Il n’a d’ailleurs aucun respect pour les élus du peuple ».

Le bureau politique de l’USFP devra d’ailleurs se réunir pour statuer sur le sujet. Mais la majorité des cadres du parti rejettent l’approche américaine. A droite, les choses sont beaucoup plus nuancées. « Nous n’avons pas encore tranché. Le secrétaire général décidera de la date pour examiner ce sujet... », explique M. Ameskane, du Mouvement Populaire. Même si tous les partis politiques marocains ne sont pas d’accord sur la ligne à suivre ils sont, pour le moins tous embarrassés par les choix de la diplomatie marocaine. Reste à savoir si leur avis pèsera lourd lors de la prise de décision.

Mouaad Rhandi
Source : Le Journal Hebdomadaire

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