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Les blocages du paiement par Internet au Maroc

Difficile de concilier les intérêts des uns et des autres. Même avec une cible de clientèle réduite, des e-commerçants, peinent à trouver un terrain d’entente avec Maroc Telecommerce (MTC) et les banques sur les procédures de paiements via Internet. Et ici, il n’est même pas question des transactions avec l’étranger qui requièrent l’autorisation de l’Office des changes. Résultat des courses: en six ans d’activité, MTC ne sert que dix sites seulement (transport, télécoms, artisanat…).

En dépit de ces performances dérisoires, le paiement via Internet s’apprête à connaître une refonte. En effet, l’exécution des transactions sur le réseau interbancaire sera transférée d’Interbank au Centre monétique interbancaire (CMI) d’ici fin 2007. Ce chantier est encore au stade de la réflexion. Initialement créé par quatre banques (BCP, BMCI, BMCE Bank et l’ex-Wafabank), le tour de table de Maroc Telecommerce pourrait également connaître quelques changements, mais rien ne filtre encore.

Des gestionnaires de sites marchands n’ont à la limite que faire de ces projets. Ce qu’ils veulent c’est disposer d’une plate-forme technique sécurisée qui permette à leurs clients de payer directement sur le site en utilisant leur carte bancaire.

Ces développeurs de sites marchands reprochent à MTC et aux banques le prix élevé et l’ambiguïté des procédures pour accéder à la plate-forme nationale. MTC exige, en effet, des frais d’installation de 20.000 DH, un abonnement mensuel de 500 DH ainsi qu’une commission de 4% sur chaque transaction réalisée. Ces tarifs sont jugés prohibitifs pour des entreprises qui viennent de démarrer. Ils sont aussi très loins des standards internationaux, soutient-on. En Europe, par exemple, les opérateurs de liaison demandent des frais d’abonnement dérisoire et des commissions de 35 à 45 centimes d’euros seulement pour chaque transaction, affirme un e-commerçant.

Même en adhérant à ces conditions «contraignantes», on se heurte à la réticence des banquiers. A en croire des e-commerçants, la Banque Populaire est, désormais, la seule qui permet à ses clients de payer leurs achats sur Internet. Les autres banques se sont progressivement désengagées de l’activité, disent-ils.

Le directeur général de Maroc Telecommerce, Azdine Montassir Billah, réfute: «Le service de paiement via Internet est disponible chez trois banques de la place, à savoir la Banque Populaire, BMCI et BMCE Bank, pour certaines catégories de ses cartes de crédit». Ces banques ont d’ailleurs été à l’origine de la création de Maroc Telecommerce en 2000. Elles font toujours partie de son tour de table. «Les autres banques de la place ne proposent pas ce service en raison de l’absence pour des raisons légales et sécuritaires», indique Mohamed Karim Mounir, responsable de la division Gestion des risques à la BCP.

«La procédure d’accès à la plate-forme de paiement électronique est claire», selon Mountassir Billah. «Il faut d’abord nous contacter pour réaliser les travaux techniques de liaison entre le site et le réseau interbancaire. A l’instar de ce qui se fait pour les TPE (terminaux de paiement électronique), le démarrage de l’activité dépend de la signature d’un contrat commercial avec la BMCI, seule banque habilitée à délivrer ce document». MTC affirme garantir un niveau de sécurité qui répond aux standards internationaux.

Quid des prix jugés exorbitants? «Comparés aux investissements consentis au départ, les prix appliqués sont dérisoires. D’autant plus que le nombre limité de clients ne permet pas de réduire les tarifs», explique Mountassir Billah. Maroc Telecommerce représente un investissement de 20 millions de DH.

Cela dit, la petite percée du commerce électronique ne peut être attribuée à ces seuls problèmes. D’autres entraves d’ordre commercial et marketing freinent aussi son essor.

«La cible concernée par le commerce électronique se limite aux détenteurs de carte de crédit, largement minoritaires par rapport aux cartes de débit distribuées. Cela réduit sensiblement l’intérêt des banques pour cette activité», souligne le DG de MTC. En effet, le nombre de cartes de crédit en circulation ne dépasse pas 200.000 contre plus de 2 millions de cartes de débit.

Le développement de cette activité passe donc par l’élargissement de la cible de clientèle, en l’occurrence les détenteurs de carte de débit. Une solution envisageable mais qui se heurte à des contraintes de risque et de profitabilité. Toutefois, «l’avènement de la carte à puce (EMV) inciterait les banques à élargir l’éligibilité au paiement via Internet», note Mounir.

«Mais le consommateur marocain est encore loin d’être initié au commerce électronique, même s’il dispose d’une carte de crédit», indique Mountassir Billah. Les conditions d’achat des articles vedettes proposés sur Internet (livres, articles de sport…) ne seraient pas intéressants pour la clientèle locale, soutient le DG de MTC. Sauf peut-être pour les billets d’avion et les voyages proposés par les compagnies low cost, où le différentiel de prix pourrait convaincre quelques avertis. «L’expansion du commerce électronique dépend de la création d’opérateurs de taille qui peuvent offrir un produit attractif par rapport aux circuits traditionnels. La réussite de tels projets incitera d’autres opérateurs de moindre taille à investir le e-commerce», estime Mounir.

Des responsables de PME nouvellement lancées dans le e-commerce ne demandent qu’avoir la possibilité d’accès à la plate-forme de paiement électronique. Ils assurent que la clientèle potentielle est là et finira par suivre.


Tiers de confiance

A défaut d’avoir accès à la plate-forme marocaine, les administrateurs des sites évoquent la possibilité de recours à des «tiers de confiance». Des opérateurs internationaux de gestion des transactions électroniques (Pay Pal, Cash you) qui sont d’ailleurs en pleine expansion en Europe et au Moyen-Orient. Une manière de garantir un maximum de sécurité sans pour autant «subir» les conditions du système marocain. De plus, les «tiers de confiance» appliquent aux vendeurs et acheteurs une police d’assurance pour garantir la bonne fin des transactions.

Cette solution est jugée prématurée par le DG de MTC. Le recours à ces plates-formes est généralement réservé aux sites ayant déjà pris leurs marques sur le réseau. Ceux qui peuvent payer le prix d’une telle prestation. Et ce n’est pas le cas chez nous où les sites balbutient encore.

Nouaim Sqalli
Source: L'Economiste

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