Menu

5e round des négociations agricoles Maroc-UE

LE 5e round des négociations agricoles Maroc-UE commence ce vendredi 9 février à Rabat. L’ordre du jour est «l’évaluation des offres améliorées» des deux partenaires, indique la Délégation européenne au Maroc, ce, «dans le respect des sensibilités de chacun». «Sensibilité», est bien un maître mot dans ces négociations. Surtout pour le Royaume qui négocie l’ouverture du marché européen à tous ses produits, mais accepte aussi que les positions européennes inondent le marché domestique.

Pour rappel, le cadre de ces négociations est celui de la feuille de route euro-méditerranéenne prévoyant une «libéralisation progressive de l’ensemble du secteur agricole» excepté une liste dite «négative» où chaque pays mettrait les produits qu’il souhaite protéger.
Selon le secrétaire général du ministère de l’Agriculture, Moha Marghi, «suite au 4e round qui a eu lieu les 7 et 8 décembre 2006, nous avons discuté des aspects liés aux accès aux marchés, aux clauses de sauvegarde, des indications géographiques, et chaque partenaire a demandé de faire des améliorations des offres initiales».

L’offre initiale marocaine, largement présentée sur nos colonnes, propose deux grands axes: le libre accès intégral des produits marocains avec le démantèlement de toutes les contraintes liées aux instruments de la PAC (Politique agricole commune), à savoir les prix d’entrée, les mécanismes de quotas, etc.; et un calendrier de démantèlement pour 5 groupes de produits marocains.

L’offre initiale européenne, qui avait suscité l’inquiétude des professionnels, reste maintenue avec une «disposition à négocier».
Quant à la réforme du secteur domestique (sur le lait, le sucre, les céréales, etc.), qui permet de donner une visibilité sur le développement agricole et donc sur la politique d’ouverture, le secrétaire général reste peu prolixe, comme son ministre. «Nous travaillons sur le dossier, certains sont bien avancés, vous en saurez plus en mars», indique Marghi.

Le cadre des négociations, qui devaient clore avant début 2007, est entaché d’encore plus d’incertitudes qu’à son démarrage.
D’abord, les malheurs du cycle de Doha. Dans le cadre des négociations de l’OMC, les mécanismes européens des prix d’entrée minimum font l’objet des négociations.

Ensuite, il y a les tensions sur les questions d’adhésion et d’élargissement de l’UE. Bruxelles est à fleur de peau sur ce sujet. Par ricochet, ce qui touche à l’ouverture de son marché à ses partenaires devient hypersensible.

Enfin, l’Organisation du marché des fruits et légumes (récemment réformée) change les données du problème. La réforme propose la suppression des aides à la transformation industrielle (comme sur le double concentré de tomate, le jus d’orange, etc.) en contrepartie de mécanismes d’aide directe et unique à l’exploitation (sur la production passée), qui est une forme d’aide aux revenus. Cette réforme importante change les conditions de commercialisation sur le marché européen, et donc les orientations de négociations.

Les règles de fonctionnement du marché étant modifiées, les professionnels interrogés suggèrent «de l’attentisme de la part du Maroc pour avoir une meilleure vision sur ce que l’on peut concéder réellement et de ne pas céder sur la proposition d’un libre accès intégral sur le marché européen».

Concernant la méthodologie d’entente entre les différents acteurs du secteur agricole, les professionnels interrogés requièrent une «concertation intelligente».

Selon le président de la Comader (Confédération agricole et de développement rural), Ahmed Ouayach, «nous faisons toujours confiance au ministère, mais il est peut-être temps de soumettre aux professionnels les propositions et donner à la concertation du sens». Le secrétaire général se défend d’une mauvaise concertation et estime que les professionnels sont correctement informés «avant et après chaque réunion. Cela dit, nous nous devons de négocier pour l’intérêt de tous les secteurs concernés et nous n’avons pas à suivre l’avis d’une profession agricole».

L’option devenue hypothèque
Soit par défaillance de communication, soit par défaillance de fonds, jamais le Maroc n’a eu aussi peu de visibilité sur son secteur agricole. Le ministre de l’Agriculture a promis aux professionnels, ce, devant le Premier ministre, de remettre un plan de réforme du secteur avant le 31 mars. En attendant, la politique menée reste claquemurée dans le conjoncturel: sécheresse entraîne plans de subventions et de soutien des «petits agriculteurs».

Or, pour la première fois, le Maroc va accorder des concessions tarifaires à l’Union européenne. C’est-à-dire qu’on accepte l’idée de mettre en compétition sur le marché domestique produits européens et produits marocains, avec en échange une ouverture d’un marché de plus de 450 millions de consommateurs.

Une pression supplémentaire que se met le Royaume en plus des dispositions de l’accord de libre-échange avec les Etats-Unis dont les temps de transition pour le secteur agricole (de 10 à 20 ans) courent très vite. Est-ce notre «génie de l’urgence» qui se manifeste? L’agriculture n’est-elle pas une «option devenue hypothèque», comme l’a bien dit le rapport du cinquantenaire sur le développement humain?

Source: L'Economiste

Emission spécial MRE
2m Radio + Yabiladi.com